lundi 16 avril 2012

Concours de l'ENS, journées 1 à 6. Ou comment découvrir ses sujets avec horreur.

Premier compte-rendu de cette semaine demain soir, puisque je suis...comment dire? Grave à la bourre dans mes révisions de philo. Je prie juste pour ne pas avoir une aussi "bonne" surprise que ce matin face à la citation de Baudelaire.

Littérature :
"La poésie est essentiellement philosophique, mais [...] elle doit être involontairement philosophique".
Charles Baudelaire.
Découverte du sujet. Blague. Mais tellement, que je commence à sourire bêtement devant mon sujet. Du genre, "Noooon, ils ne nous ont pas mis ça comme sujet?" Et bah si.
J'ai donc réalisé que j'allais bel et bien devoir plancher sur ce truc pendant 6h. Moi qui m'attendais à une citation longue comme un bras, on se retrouve avec une citations de 11 mots, (dont deux sont identiques en plus). Pour analyser le tout, bonjour. Et comme je n'avais fait aucune lecture spécifique traitant du rapport poésie/philosophie, et que rien de ce que j'avais préalablement lu ne me revenait, j'ai fait de la merde. Mais vraiment, quoi. Au delà de quelques considérations littéraires un peu moisies (et surtout, complètement hors-sujet, à mon humble avis), ma réflexion s'est plus ou mois limitée à "Comment je place Villon moi là-dedans? Où que je le mets? Hein? Où? OU?????????".
Pour couronner le tout, j'ai mal utilisé mes oeuvres...Franchement, si mon correcteur ne rigole pas en lisant ma copie, je ne sais pas ce qu'il lui faut. Exemple : "Oui alors bon, Phèdre de Racine soulève quand même un petit problème de moralité, là" (non, sans blague?). Je ne suis pas surprise de cette épreuve, au final (finalement), parce que je ne m'attendais pas à réussir totalement. Je devrais être habituée à faire n'importe quoi, mais bon là, quand tu passes le concours de l'ENS...WTF quoi.

Philosophie :
"Qu'est-ce qui est hors la loi?". La surprise du jour, c'est d'être sortie de cette épreuve en ayant l'impression d'avoir mieux réussi la littérature. Oui. LA LITTERATURE. C'est dire dans quel état ce sujet m'a mise. Non mais franchement, ils se croient où à l'ENS, là? C'est quoi ces sujets? C'est quoi cette formulation louche? Pourquoi tant de haine?
Je n'ai jamais, jamais, jamais autant eu honte de ma vie en rédigeant une copie de philo (pourtant, les idées bizarres qui partent en vrille, les contradictions et les gaffes du style apologie d'un auteur antisémite, ça me connaît).
Bref, 6h de désespoir. Là, je ne rigolais plus du tout. Au contraire, j'étais vraiment...mal. Je n'arrivais à rien; mes heures de révisions n'avaient aucune utilité pour le sujet (ce qui fout bien la rage, au passage). Et je n'ai jamais aussi peu écrit. Mais vu le contenu, ça ne servait à rien de s'étaler sur 20 pages. J'ai fait genre que j'avais lu Hegel, mais j'ai rien creusé, parce que je suis un cas désespéré, voilà.
Paradoxalement, en sortant de ces heures de torture, je pensais être effondrée psychologiquement (la philo est quand même une matière forte d'habitude), mais finalement non. Je me sens libérée, je m'en fous (presque) et je passe à autre chose. En même temps, demain c'est histoire...

Histoire
:
"Populations, pouvoirs publics et hygiène en Europe de la fin du XVIIIe siècle aux lendemains de la Première Guerre mondiale".
Découverte du sujet (en avant première live par transparence...Oui, j'ai un côté foufou comme ça). Ouf. C'est large, mais au moins il y a quelque chose à dire. A 9h00 tapantes, c'est parti mon kiki on y go les agneaux; mon cerveau se branche sur les politiques de santé européennes pour 6h. Joies en perspective.
Le truc dingue en histoire, c'est qu'on a pas le temps de faire autre chose. Autant en litté ou en philo, je prends facilement 15 minutes par-ci 15 minutes par là pour glander/dormir/manger des Mars/regarder les autres se décomposer/observer la tenue de la surveillante (les surveillant(e)s de concours sont décidément une espèce à part), autant en histoire je suis rivée sur ma copie, roulée en boule sur ma table (et les jambes à moitié croisées retournées sur la chaise, en mode équilibriste). Le monde autour de moi se désintègre. Sauf à 11h, où je m'accorde une pause survie de 1 minute 30 environ. Je me suis demandé pourquoi les feuilles de brouillons n'étaient pas toutes de la même couleur, et si j'aurais eu des idées plus pertinentes en écrivant sur du papier vert. Mais mes brouillons sont bleus (comme mes titres de chapitre dans mon cours d'histoire. Si c'est pas un signe ça). Quand je commence à rédiger (à la bourre, comme d'hab), je me lance en mode machine de guerre, course contre la montre pour dérouler mes trois parties, les nerfs tendus comme des lance-pierres. C'est marrant, mais quand arrive la dernière heure (et surtout, le dernier quart d'heure), j'ai l'impression d'être dans Koh-Lanta ou dans Fort Boyard et de jouer ma vie contre le temps (ALLEZ SORS, SORS T'AS PLUS DE TEMPS!!!). Et quand je lâche mon stylo (ou plutôt, quand le stylo tombe de mes mains), je regarde l'énorme bosse que j'ai sur le doigt, rouge et violet (pourquoi violet? J'ai écrit en noir), et j'ai envie de danser la polka sur ma table. A la place je signe la feuille et je pars. Et là, je réalise tout juste qu'on a passé le plus gros, la moitié du concours, et que pour une fois j'ai pas trop fait de la merde. Youpi (?)!
Demain, espagnol, la bonne blague! Je peux enfin dormir tranquille.


Espagnol
:
La Reine de las nieves, Carmen Martin Gaite.
Première lecture : OK. Je vois l'ambiance.
Deuxième lecture : Ouais...Et alors?
Troisième lecture : C'est vraiment ce texte-là qu'il faut commenter? Mais...mais, il n'y a rien à commenter, justement. D'accord, les parents du type sont morts, et apparemment c'était pas la grosse ambiance à la maison (il a donc bien fait de se barrer). Mais quand même bon, il aimait bien parler littérature avec son padre (pfiouu, original), donc c'est un peu triste quand même. Il se regarde dans un miroir (pendant tout un paragraphe, il a vraiment que ça à faire), et il ne passe plus rien.
BON. J'ai repris les bonnes vieilles habitudes de tout khâgneux en proie au désespoir face à un texte de langue étrangère (roulements de tambour)...LA PARAPHRASE. Et vas-y que je te raconte l'histoire (vas-y regarde comment j'ai bien lu le texte et tout et tout, je peux même te raconter ce qu'il se passe). Honnêtement, je suis pas hyper fière de mon commentaire archi bateau-linéaire-paraphrasé-sans-profondeur-d'analyse. J'ai essayé de soigner ma version, histoire de montrer que je suis pas non plus une (trop) grosse brelle en espagnol, et j'ai bien corrigé toutes mes fautes. A part quelques faux-sens, ça devrait passer à peu près. Mais globalement, c'est pas une copie de ouf. Je comptais un peu sur cette matière pour tenter de rattraper le crash du début, mais je ne rêve pas trop là. Je suis super contente d'en avoir fini avec les grosses matières, et d'avoir quatre jours pépère pour réviser; surtout que le must du must de ce concours arrive bientôt...Le latin. What else?

Latin :
Cicéron, Traité des Lois, II.
Plus classique, tu meurs. Mais en voyant que le jury nous a aimablement refourgué un texte de Cicéron, je ne suis qu'à moitié rassurée. Point positif : c'est un des seuls auteurs qui a eu la présence d'esprit de ponctuer abondamment ces textes de connecteurs logiques, histoire que nous, pauvres petits traducteurs de l'an 2012, puissions suivre un minimum. Point négatif : Mais en même temps, tout avocat qu'il est, il a aussi l'art de pondre des trucs ultra chiants et bizarrement construits (non mais c'était quoi tous ces infinitifs là? La conjugaison, tu connais?). Bref, plus les heures passaient, et plus j'avais envie de chialer sur ma copie, genre "Mais putain, pourquoi j'arrive pas à traduire un truc comme "eandemque rationem luci in agris"? Et pourquoi je vois pas le rapport?". J'ai lutté quatre heures durant avec mon fidèle Gaffiot, mais qui aujourd'hui n'était pas très généreux en petites expressions déjà toutes traduites. Tant pis, il faut que je recopie tout. 12H50 : Dernière phrase traduite à l'instinct en mode pompelope-il-ne-reste-que-5-minutes-pour-rendre-une-copie-qui-est-déjà-bourrée-de-fautes. Je ne suis pas à un faux sens près.
Et comme je suis un peu sadomasochiste dans l'âme, en rentrant je suis allée voire dare-dare la traduction dudit texte. Horreur, enfer et damnation : si j'ai bien compris le fond du truc, et trouvé les bonnes traductions, j'ai fait un sacré paquet de contre-sens sur la construction grammaticale des phrases (et vas-y que je t'inverse les sujets, COD et compléments du nom. Ce qui fait des phrases fausses, évidemment. Est-ce qu'un jour, bordel, mon cerveau fera les bons liens?).
Quoi qu'il en soit, si j'avais pas déjà grillé ma sousa avec la litté et la philo, le latin s'en est parfaitement chargé tout seul comme un grand.

Même si je n'ai pas franchement l'impression d'être en vacances (je dois faire un commentaire en histoire et un exposé de ciné), je vais pouvoir souffler quelques jours. Mais surtout, quel plaisir de ce dire "Putain, j'ai passé l'ENS!!"

21 commentaires:

  1. Bonjour!
    Je suis tombée par hasard sur ton blog en tapant le sujet de philo sur Google :) j'ai beaucoup ri en lisant ton article, j'ai eu exactement la même réaction en lisant le sujet... Je te souhaite bon courage pour la suite.

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  2. Aujourd'hui était moins pire qu'hier j'ai trouvé. Par contre je me dis que demain, ils sont prêts à tout !

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  3. Ouais : litté = massacre. Bizarrement, c'est Villon que j'ai cité le plus moi ! Et c'est Phèdre que j'ai eu du mal à caser (ce qui est très con de ma part avec le recul).
    Moi aussi j'ai fait genre "j'ai lu Hegel", mais ma considération sur la calculette (cf mon compte rendu) à du complètement décrédibiliser son propos (et donc le mien).

    Allez, demain c'est histoire, on va CARTONNER ! Dégainons nos hygiénistes !

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  4. Comme je partage ton ressenti! Le sujet d'hier nous a tous dérouté je pense et les correcteurs vont bien se marrer ! Bon courage pour l'histoire, je ne sais pas ce qu'ils vont aller chercher ... :)

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  5. c'est tellement ça en histoire. Pas le temps. Le lapin d'Alice qui nous criaille dans les oreilles. En géo aussi je trouve (pour la spé ulm).

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  6. Je suis un hypokhâgneux en vacances et je suis avec intérêt ton calvaire... Après tout, tu es moi dans un an.

    Courage, je suis derrière toi, en mode synchronisation des esprits et tout et tout.

    Et surtout, lors d'une épreuve, n'oublie pas : CARPE DIEM et ALEA JACTA EST sont les maîtres mots.

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  7. Je crois que les brouillons différents par rangée c'est pour éviter la triche... Sinon j'aurais bien voulu voir le gilet violet à poils longs ! Je crois qu'on a tous à la fin la voix traînarde : N'oubliez pas la paginatioooooon et les entêêêêtes...

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  8. T'as tellement de chance d'avoir fini pour quatre jours ! Moi j'y retourne demain et ça me fout des crises d'angoisse la géo. Vraimentvraiment.

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  9. une chose à dire!!!

    GE-NI-ALE !!!!!!!!!!!!

    j'ai beaucoup rigolé ça détend!!!! j'ai été moi même choquée du sujet en littérature FUCK !!!

    Merde à tous pour le latin (ou Grec) et géographie (ou autre) ..

    Lolotte

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  10. Cadeau (empoisonné?) : http://fr.wikisource.org/wiki/Page:Baudelaire_-_Œuvres_posthumes_1908.djvu/169

    J'ai beaucoup ri en tout cas, bon courage pour la suite :)

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  11. Je suis tombée par hasard sur ce blog pareil en googlant la citation. Je suis khûbe (passant Ulm et Lyon) et j'ai halluciné en voyant ces sujets de merde. Et encore, tu n'as pas eu le sujet de géo de Lyon : "façades maritimes et intégration territoriale dans le Cône Sud". Cherchez l'erreur. Euh, allô, les mecs, c'était juste pas la peine de nous faire étudier le Paraguay si c'était pour finir comme ça, puisque pour votre gouverne le Paraguay n'a PAS de façade maritime !
    Allez bonne chance à toutes et à tous pour la suite et savourez la journée de demain, les Lyonnais n'ont pas autant de bol et doivent passer leur épreuve de spé ! Quant à moi, encore quinze heures d'épreuve avant de reprendre forme humaine.

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  12. Je comprends ta douleur, notamment pour le commentaire d'espagnol. Pour remplir les 12 pages de l'honneur j'ai dû partir dans un délire métaphysique fangeux. Même combat, KHamarade !

    Noémie

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  13. Moi j'ai beaucoup aimé le texte d'espagnol ... :s

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  14. Oh mais ne désespère pas ! On a souvent l'impression d'avoir plus ou moins raté, c'est peut-être le cas du latin, et encore, mais attends de voir le résultat pour la litté et la philo..
    En tout cas, bonne chance pour la dernière épreuve :)

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  15. Latin, je crois qu'on a tous pas compris le rapport de la petite lumière dans les champs avec le début du texte. Une maison en feu ? Des aliens qui sodomisent des vaches ? Un autel à la gloire des khâgnes ? Tout est envisageable quand on a compris la moitié.

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    1. Je vous assure que le latin pour les lettres classiques n'était pas du gâteau non plus , jamais vu un texte aussi compliqué !

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  16. Oh my, j'aurais pas pu en faire le quart (en même temps c'est pas le but de mes études...) Bref, je t'envoie plein d'ondes positives.

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  17. C'est ouf comment je suis arrivé sur ton blog. Je rentre péniblement chez moi, accablé de désespoir après 4h à essayer de pondre un truc ressemblant à une dissert de géopolitique. Au fond du trou, je décide de partager ma peine avec google. Je tape "j'ai fait de la merde".Toi aussi. Je me sens compris. Ça va mieux.

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    1. En même temps, j'ai tellement écrit cette phrase sur mon blog en deux ans, qu'il n'est pas étonnant de voir un si bon référencement sur Google! Haha, au moins je regroupe les âmes aussi désespérées que moi :)

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  18. Je suis tombée par hasard sur ton blog et je dois t'avouer que tu as été un vrai rayon de soleil ! Trois semaines de vacances nous séparent du concours mais j'ai eu un (gros) coup de blues en repensant au désastre que ça a été et je cherchais un peu de réconfort. Trouvé ! J'ai beaucoup ri en te lisant, et tout sonne tellement juste...c'est rassurant de voir qu'on est nombreux à avoir vécu la même chose. Etudier avec attention la composition de son eau minérale, la couleur des chaussettes du voisin, se dire "de toute façon le correcteur ne pourra pas me retrouver, ya pas mon nom sur la copie"...et pour le sujet de littérature, la fille à côté de moi a retourné 3 fois sa feuille, histoire de vérifier s'il n'y avait pas un PS : "allez, on déconne, le vrai sujet-paragraphe va vous être distribué". Enfin bref, merci à toi !

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